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Vu au macroscope 3
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  • Petite revue d'actualités sur des sujets divers: géopolitique, économie, santé etc.... Le titre est inspiré de l'ouvrage de Joël de Rosnay : "le macroscope - Vers une vision globale" - 1er février 1977 Une introduction à l'étude des systèmes complexes.
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7 avril 2019

Sortir de l’euro? Les réponses de Tony Andréani - CNSJS

Penses-tu qu’il est nécessaire de sortir de l’euro, si notre pays veut regagner des marges de  manoeuvres ?

Oui, absolument. La démonstration n’est plus à faire : une monnaie unique ne peut bien fonctionner que dans un Etat fédéral, intégré politiquement, socialement (relative homogénéité des systèmes sociaux et fiscaux), économiquement (les travailleurs y sont mobiles), et même culturellement, disposant en outre d’un budget suffisant pour compenser les déséquilibres entre ses Etats. Ce qui n’est pas le cas de l’UE, où il n’y pas d’unité politique ni sociale, et où seuls les capitaux et les marchandises sont véritablement mobiles, en bonne logique néo-libérale. Dans ces conditions des déséquilibres se créent nécessairement, même entre pays au départ de niveau comparable (les capitau x finissent par affluer là où ils peuvent réaliser le plus de profits), et une concurrence sociale et fiscale se creuse pour tenter de réduire ces déséquilibres économiques, ce qui accentue d’autres déséquilibres. Les pays qui en tirent des avantages se refusant à une union de transferts et le budget européen étant très faible, il est impossible de les compenser.

 

Tony Andreani sur le fédéralisme européen à l'Université d'été 2013 d'Attac

 Publié le 05 août 2013

Université d'été d'Attac-France, Fort Vauban à Nîmes du 26-29 juillet 2013. Exposé de Tony Andreani sur une alternative au fédéralisme technocratique de l'Union européenne qui refuse notamment le fédéralisme social et fiscal : un fédéralisme a minima avec une gouvernance composée d'une chambre basse (le parlement européen actuel), une chambre haute formée de représentants des parlement nationaux avec droit de veto et un gouvernement (l'actuel conseil européen plus transparent). Ce fédéralisme n'aurait pas compétence sur tout notamment sur les services publics. Exposé fait le dimanche 28 juillet 2013 dans le cadre du thème "Sortir des crises de l'Union européenne" et du sous-thème EUR5 : L'Union européenne : des alternatives face à la haine de la démocratie. Film réalisé par Serge Tostain, Attac Montpellier Pic Saint Loup. Août 2013

 

 

 

Sans autonomie monétaire, les pays ne peuvent actionner une politique monétaire (création de monnaie,  fixation de taux directeurs, et autres instruments, par leur banque centrale). Mais récupérer cette autonomie ne suffit pas. Pour deux raisons.

La première est que l’autonomie monétaire n’a d’intérêt que si la banque de France se comporte différemment de la BCE, si elle cesse d’être « indépendante ». contrairement au dogme néo-libéral, pour se mettre au service des objectifs de la politique gouvernementale.

La deuxième est qu’il faut aussi retrouver une autonomie budgétaire pour récupérer des marges de manoeuvre. Or celle-ci est corsetée par les règles du Traité de Maastricht (3% maximum de déficit, 60% maximum de dette publique), valables pour tous les pays de l’UE, mais renforcées pour ceux de la zone euro (surveillance par la Commission européenne, recommandations et menaces de sanctions financières). C’était encore pire avec le TSCG, mais heureusement ce traité intergouvernemental a expiré, bien qu’aucun officiel ne le dise. Il faut par conséquent aussi rompre avec ces règles. Donc une sortie de l’euro ne serait qu’une partie de la solution.

Est-il possible de sortir de l’euro sans provoquer une crise économique majeure pour notre peuple ?

Une sortie « sèche » (je veux dire sans proposition alternative) ne présenterait guère d’avantages. L’argument traditionnellement invoqué, y compris par des partisans de la sortie situés à droite, en faveur de cette sortie est la possibilité d’effectuer des dévaluations (on considère en général que l’euro est actuellement pour la France une monnaie trop forte), et par là de doper les exportations, et ainsi de réduire le déficit du commerce extérieur. Oui, mais
1° il y a beaucoup de produits que nous ne produisons plus, et qu’il faudrait continuer à importer
2° nos produits s’exportent mal souvent non à cause de leur prix, mais de leur qualité (ce qu’on appelle la « compétitivité/hors prix »).
Il y aussi un envers de la médaille, c’est l’inflation importée, les biens importés devenant plus chers. Un autre problème sérieux serait celui de la dite spoliation, suite à une dévaluation, des épargnants français (par exemple les titulaires d’une assurance vie en euros), qui, en fait, ne les toucherait que lorsqu’ils font des achats en monnaie étrangère, mais surtout des épargnants étrangers. Le fait que ces derniers ont prêté, pour l’essentiel, sous contrats de droit français, n’empêcherait pas des litiges interminables.

En outre une sortie unilatérale de l’euro serait immédiatement sanctionnée par les marchés financiers, qui attaqueraient la nouvelle monnaie (cf. plus loin). Il faudrait mettre en place un contrôle des capitaux, qui sera difficilement total dans une économie souffrant d’un déficit commercial, et qui devrait être installé de manière pérenne. Qui dit contrôle pérenne des capitaux signifie, pour les principales mesures, une autre rupture décisive avec un principe fondamental de l’UE, la libre circulation des capitaux. Certes ce serait en soi une excellente chose, mais la question est de savoir si ce contrôle doit être global ou s’il ne serait pas préférable, dans d’autres conditions, qu’il soit seulement sélectif.

Enfin la sortie de la France de l’euro entraînerait celle d’autres pays qui ne trouvent aucun avantage à la monnaie unique. Il n’y aurait alors plus de coopération monétaire possible, et bien au contraire une guerre des monnaies.
C’est pourquoi je suis partisan d’un remplacement de la monnaie unique par une monnaie commune (cf. infra).

Donc, faute des conditions qui viennent d’être évoquées (souveraineté budgétaire et contrôle des capitaux), le risque d’une crise économique grave ne pourrait effectivement évité, et naturellement il sera mis en avant par tous les europhiles et eurocrates.

En revanche la menace d’une sortie de l’euro, en dernier ressort, peut être une arme de dissuasion massive, car la sortie de la France de l’euro ferait éclater la zone euro et entraînerait probablement d’autres pays, comme l’Italie, ce qui créerait une situation chaotique, et ferait réfléchir les pays tenant de l’euro. L’Allemagne y répliquerait sans doute par la constitution d’une eurozone réduite qu’elle dominerait (comme autrefois la zone mark), mais y laisserait des plumes.

 

Comment concrètement pourrait-on sortir de l’euro ?

Une telle sortie n’est pas prévue par les Traités, bien au contraire (les traités obligent les Etats non membres de la zone euro, à l’exclusion du Danemark et de la Grande Bretagne, à la rejoindre), mais rien n’empêche de l’effectuer (il n’y a, au reste, aucune difficulté technique). Du reste la Grèce a été menacée, lorsque le mémorandum de la troïka a été refusé par le peuple grec, d’une exclusion de force. Dès que l’annonce en aura été faite, et même avant si elle est envisagée, les marchés financiers, redoutant une crise politique et une récession, vont faire la grève de l’investissement en actions et obligations privées. Encore une fois il faudrait actionner la politique budgétaire (les investissements publics), et il faudrait faire appel aux investisseurs nationaux (par exemple aux fonds d’assurance vie placés en titres privés) pour relancer rapidement la machine économique.

Les mêmes marchés financiers vont faire la grève de l’investissement en titres publics, faisant ainsi monter les taux d’intérêt auxquels ils prêtent à l’Etat et le montant de la dette publique. Pour y parer, il faudrait permettre à la Banque de France de prêter à l’Etat (de préférence à taux zéro), et aussi, si l’on ne veut pas trop faire marcher la planche à billets, faire appel d’une façon ou d’une autre aux épargnants français (actuellement la dette publique est détenue majoritairement par des investisseurs étrangers, venant surtout de l’UE), et enfin contraindre les banques résidentes dans le pays à souscrire un pourcentage élevé des bons du Trésor.

 

Quels seraient les avantages et les inconvénients d’une sortie de l’euro ?

J’ai déjà essayé de répondre à la question des inconvénients. L’avantage (retrouver une souveraineté monétaire et budgétaire) serait, à mon avis, sauvegardé si l’on quittait l’euro pour une monnaie commune, idée défendue même par quelques économistes de droite. Les monnaies nationales seraient liées à l’euro monnaie commune par des parités fixes et révisables tenant compte d’un certain nombre de critères objectifs (les différentiels d’inflation, les différentiels de coût du travail, les écarts fiscaux et les déséquilibres commerciaux). Comme ces critères seraient objectifs, ils ne donneraient lieu à aucune négociation, mais tout au plus à des discussions sur leur évaluation. Les nouvelles euro-monnaies (euro-franc, euro-lire etc.) seraient à l’abri de la spéculation, puisque les investisseurs internationaux ne pourraient utiliser que la monnaie commune.

Antre avantage : ce système de monnaie inciterait à une harmonisation sociale et fiscale, alors que la sortie « sèche » aggraverait les disparités, chaque Etat y trouvant un avantage compétitif, ce qui reproduirait la guerre économique qui sévit aujourd’hui. Pourquoi ? Les pays à bas niveau de coût du travail, notamment grâce une protection sociale réduite, et à un bas niveau de fiscalité, verraient, lors du calcul des parités, leur monnaie nationale être relevée par rapport aux autres pour compenser ce différentiel en leur faveur. Aussi auront-ils intérêt à améliorer leurs standards sociaux et fiscaux pour avoir une monnaie moins forte. Bien sûr cela pourrait se faire progressivement, pour ne pas leur faire perdre brutalement leur avantage compétitif, en prenant en compte des engagements en ce sens.

Ce serait, à mon avis, la seule solution vraiment coopérative en matière monétaire entre les pays de la zone euro. Evidemment les marchés financiers seront vent debout contre cette solution, mais les Etats concernés devront prendre leurs responsabilités : s’enfoncer dans la crise de la zone euro ou en sortir par le haut.

 

Peut-on sortir de l’euro sans sortir de l’UE, sans un « Frexit » ?

Non, sauf si on impose d’autres modifications des Traités européens. « Sortir des traités » (La France insoumise) ne veut rien dire, car l’UE n’existe que par les traités. La sortie de l’euro, même vers une monnaie commune, pour nous être bénéfique, suppose, je l’ai dit, au moins deux autres conditions : cesser de respecter les deux critères de Maastricht et instaurer un contrôle des capitaux, d’abord très large, puis restreint (ne concernant que certains secteurs), pour ne pas bloquer les investissements directs étrangers (y compris venant de ceux des autres pays européens). Mais il y aurait d’autres conditions, elles aussi dérogatoires par rapport aux traités. J’ai défendu ailleurs l’exclusion des services publics du champ d’application des traités, l’autorisation des subventions et autres aides d’Etat, nécessaires pour mener des politiques publiques dignes de ce nom, tout cela sans que ça porte préjudice aux autres Etats de l’UE.

On en arrive ainsi aux questions de stratégie politique. Bien entendu on n’a quasiment aucune chance d’y arriver si ces exigences de modification des Traités réclament, in fine, l’unanimité des Etats membres. La seule stratégie qui reste est celle du passage en force : la fameuse désobéissance.
Dans le cas d’un pays comme le nôtre, elle me paraît parfaitement jouable. Des avertissements, des sanctions financières ? On passe outre, car on a des moyens de rétorsion. Une condamnation par la Cour européenne de justice ? On s’en moque. Une exclusion du Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement ?  Que feront-ils par rapport à une chaise vide ? Quant à l’effet sur l’opinion dans les autres pays européens, cette désobéissance, au lieu d’être une rupture à la Brexit, montrera que l’on n’est pas opposé à toute forme de construction européenne, mais qu’on veut véritablement construire une tout autre Europe, un message qui sera facilement entendu dans les pays victimes de l’Union telle qu’elle existe. Et reste la forme de dissuasion ultime : si aucun accord n’est possible sur une modification très substantielle des Traités, suivie d’une ratification par les Parlements, la sortie « sèche » de l’euro, suivie, faute d’une telle modification, de la sortie de l’UE.

J’ajoute une dernière question.

 

Quel est l’intérêt de rester dans une Union complètement refondée ?

J’en vois plusieurs, en dehors du blabla sur l’Europe zone de paix retrouvée (alors qu’elle a mis les Etats en guerre économique les uns contre les autres) et du blabla sur les « valeurs ».

Le premier est l’existence d’un marché unique des marchandises. Il évite les droits de douane, et ce n’est pas rien (coûts de transaction, grand nombre de douaniers, pertes de temps). En ce qui concerne les capitaux, une certaine liberté de circulation favorise les investissements directs venant d’autres pays européens, mais ceci à l’exclusion du champ des services publics et des secteurs stratégiques, où le contrôle des capitaux resterait de rigueur.

Il faut bien se rendre compte que les économies européennes sont très imbriquées et que le rétablissement de droits de douane et la récusation des législations d’origine européenne (à distinguer des normes européennes proprement dites, qui sont indépendantes de l’UE), si discutables soient-elles, en matière d’harmonisation technique des produits et services, de sécurité sanitaire et d’environnement, créerait une foule de problèmes. Par ailleurs il est vrai que le défi climatique peut être mieux relevé à plusieurs que chacun dans son coin.

Tony Andréani, philosophe, est l’auteur de nombreux ouvrages sur le socialisme. Il travaille aussi sur l’Union Européenne et les moyens d’une réforme radicale.
Blog de Tony Andréani

La sortie de l’UE appellerait une renégociation de tous les accords commerciaux internationaux conclus par elle, après avoir été élaborés par la Commission dans le plus grand secret. Certes ces accords, pour la plupart axés sur un libre-échange quasi intégral, sont mauvais, mais il paraît plus simple de les renégocier un par un, après refondation de l’UE, que de les rebâtir à partir de rien (c’est l’un des problèmes auxquels est affrontée la Grande Bretagne en cas de non accord).

Une petite conclusion

L’ampleur  et la complexité du sujet sont telles  que ce texte ne pouvait être que lapidaire.

La sortie de l’euro est certes le sujet central qui sépare les vrais démocrates de ceux qui veulent rafistoler une Union européenne foncièrement anti démocratique. Mais la récupération d’une souveraineté nationale appelle d’autres conditions impératives. Et nécessairement une épreuve de force, tant le piège néo-libéral européen a été bien agencé, faisant des traités un véritable boa constrictor.

Il est clair que l’Union européenne, qui a toujours été une désunion, va vers une mort programmée, tant les tensions sont fortes (des déséquilibres croissants, des banques fragilisées, des soldes divergents entre les banques centrales des différents pays), mais celle-ci peut prendre encore de nombreuses années et se terminer dans le chaos. Aussi vaut-il mieux se battre pour tenter de sauver ce qui peut être sauvé.

L’heure n’est pas, à mon avis, à la création d’un nouveau parti ou mouvement, mais à l’établissement d’un manifeste, hors partis, mais puisant dans ce qui est convaincant dans les programmes de partis ou d’associations existants (notamment ceux de la France insoumise et d’Attac et Copernic), et proposant une sortie raisonnée de l’euro (selon moi vers une monnaie commune, ou, à défaut, vers un SME amélioré) et un train de ruptures explicite avec les Traités.

[Le dernier ouvrage de Tony Andréani: Le modèle chinois et nous (éditions L’Harmattan 2018). On en trouvera une recension ici

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