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Vu au macroscope 3
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  • Petite revue d'actualités sur des sujets divers: géopolitique, économie, santé etc.... Le titre est inspiré de l'ouvrage de Joël de Rosnay : "le macroscope - Vers une vision globale" - 1er février 1977 Une introduction à l'étude des systèmes complexes.
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29 avril 2019

La France Insoumise et l’affaire de trop? - Jacques SAPIR - 18/4/2019

Le communiqué publié ce matin, 18 avril, par Thomas Guénolé, et que je reproduis ici, pose de graves questions tant sur le fonctionnement que sur l’avenir de la France Insoumise. Elles surviennent alors que, depuis l’été dernier, nombre de départs ou d’exclusions ont marqué ce mouvement. On rappellera ici les cas de Djordje Kuzmanovic, de François Cocq, mais aussi – et c’est en un sens bien plus grave – de dizaines et de dizaines de militants qui partent en silence, qui « votent avec leurs pieds » suivant l’expression consacrée.
Communiqué de Thomas Guénolé

Le cas Thomas Guénolé

Thomas Guénolé formule des accusations graves, que ce soit à l’égard de Jean-Luc Mélenchon ou du fonctionnement de la France-Insoumise. Cette dernière a répliqué en mettant en cause Guénolé dans une affaire de « harcèlement sexuel ». Voici son communiqué.
Communiqué du comité électoral
Que les choses soient claires : aucune tolérance pour des pratiques de ce genre ne peut exister. Mais, dans ce cas, il convient qu’une plainte soit préalablement déposée puis que la commission électorale en tire les conclusions et demande alors et seulement alors à Guénolé de se retirer jusqu’au verdict du procès. Ce n’est pas ce qui a été fait.
Ne soyons pas naïfs. De tels faits peuvent se produire et, je le redis, ils doivent alors être légalement sanctionnés. Mais, dans le climat actuel de néo-puritanisme, il n’est que trop facile d’inventer, voire de manipuler en prenant ce prétexte en raison même de l’opprobre qui est attachée à ce comportement. C’est d’ailleurs pour cela, pour protéger tant la personne de l’accusé (qui, on le rappelle, est supposé innocent jusqu’à ce que la preuve du contraire ait été apportée) que la personne de l’accusatrice, que la procédure légale doit impérativement être respectée et que toute procédure interne doit se caler sur cette procédure légale et ne pas chercher à l’anticiper. Nous constatons que, ici, tel ne fut pas le cas, ce qui laisse la porte ouverte à une possible manipulation des faits. Le « signalement » auprès des instances de la FI semble dater du 3 mars. Une plainte aurait pu être déposée. Cela n’a pas été fait et le mouvement a préféré se saisir de « faits pouvant s’apparenter à du harcèlement » pour demander à Guénolé de quitter la liste plutôt que de porter l’affaire en justice.
Plus généralement, cette crise pose le problème de la société dans laquelle nous voulons vivre. Souhaitons nous une société où cent innocents sont emprisonnés pour avoir l’assurance de punir tous les coupables ou souhaitons nous vivre dans une société où un coupable pourrait échapper à la punition pour que cent innocents ne soient pas inquiétés ?

Ce que « l’affaire Guénolé » nous dit sur la France Insoumise

Cette nouvelle crise nous dit cependant des choses importantes, tant sur la France Insoumise que sur les temps que nous vivons.
Cette « affaire » survient après les départs de Djordje Kuzmanovic et de François Cocq. Elle met en lumière tant les faiblesses de l’organisation de la France Insoumise que les pratiques qu’autorisent ces faiblesses quand bien même elles ne les suscitent pas. J’ai déjà écrit sur ce sujet[1], et Kuzmanovic s’est lui-même exprimé[2]. Il est tragique que le cas de Guénolé vienne confirmer les craintes alors exprimées.
La différence ici est que Guénolé met directementen cause Jean-Luc Mélenchon, là où Kuzmanovic et Cocq pointaient plus les comportements d’un entourage et de cadres montés vite, trop vite, à des postes de responsabilité. Ne nous masquons pas la réalité. Dans tout mouvement, tout parti, il est normal et logique qu’une forme de pouvoir charismatique entoure le principal responsable. C’est encore plus vrai quand ce responsable a les qualités de Mélenchon. Ces indéniables qualités sont accompagnées de non moins indéniables défauts. Le problème est qu’aucune structure organisationnelle ne vienne limiter ces dits défauts. Guénolé ne fait que mettre en évidence un problème organisationnel général.
Il est plus important, et plus révélateur, d’insister sur une dérive : celle qui tend à dissoudre la stratégie dans la tactique, et la tactique dans des affrontements personnels. On en a un autre exemple dans secousses qui affectent Le Média. Cette dérive contribue à donner une image détestable de la France Insoumise, une image qui lui nuit. Car, comment expliquer que les plus de 18% d’électeurs qui s’étaient portés au premier tour de l’élection présidentielle se soient réduits, du moins dans les sondages, à 7% ou 8% ? L’absence de réflexion publique (ou même interne) sur cette situation fait partie de la dérive susmentionnée. Elle ne fait que rendre plus révélatrice « l’affaire Guénolé ».

Ne pas se tromper d’ennemi

Pourtant, dans la situation présente, il convient de ne pas confondre l’ennemi avec les adversaires, et surtout de ne pas se tromper d’ennemi. C’est la logique de la lutte politique de conduire à une identification précise de l’ennemi. Et cet ennemi c’est bien prioritairement Emmanuel Macron, parce qu’il représente et symbolise à l’extrême ce « bloc bourgeois », qu’il nous faut combattre et vaincre si nous ne voulons mourir. C’est sur lui qu’il nous faut, et qu’il nous faudra, concentrer nos feux tout comme il faut, et faudra, concentrer nos feux sur les institutions sur lesquelles il appuie son pouvoir, l’euro et l’Union européenne.
Alors, on peut avoir des divergences, sur les objectifs comme sur les moyens de les atteindre. Ces divergences peuvent êtes assez importantes pour justifier que l’on quitte une organisation, que l’on en fonde une autre. Mais il convient ici d’éviter le sectarisme, qui nous fait considérer comme un ennemi ceux qui ne sont que nos adversaires. Ce sectarisme est, hélas, bien partagé. La même personne qui s’en dit à raison la victime peut très bien l’avoir auparavant pratiqué. C’est une autre caractéristique de « l’air du temps » que de conduire à cette confusion, de promouvoir ainsi cette fameuse « guerre de tous contre tous ». Pour le dire en d’autres termes, « le » politique, soit l’espace de la lutte antagonique, ne doit pas absorber « la » politique, qui est un espace de luttes agoniques. La confusion entre les deux sphères apparaît aujourd’hui comme le plus déraisonnable des comportements : celui qui en fin de compte nous livre, par petits paquets et pieds et poings liés, à notre ennemi commun.
En réaction, certains en viennent à fétichiser « l’unité ». Mais cette dernière est une illusion. Les divergences existent, et elles sont souvent profondes, structurant tant les imaginaires que les comportements politiques. L’unité ne peut se réaliser que ponctuellement, et après un véritable débat. Ou alors, elle ne sert qu’à permettre à des partis moribonds, à des « partis-zombis », à se perpétuer, bloquant ainsi les alternatives futures. Mieux vaut donc savoir comment vivre avec. De ce point de vue, nous avons apprendre des générations précédentes, qui surent, quand il le fallait, pratiquer le « marcher séparément et frapper ensemble », et cela vaut tant pour les organisations en interne que pour les ensembles d’organisation.

Conséquences de court et de long terme

Les conséquences de cette « affaire », de cette crise – une de plus et peut-être une de trop – qui affecte la France Insoumise seront importantes. Les conséquences de court terme sont les plus probables. Elles se manifesteront dans les élections qui viennent. Pourtant, et on le sait, je ne donne JAMAIS de consigne ou de conseils précis en la matière. Mais, ici encore, ne nous trompons pas de combat. Aux élections européennes, aucune voix ne doit aller à la « liste Macron », celle de LAREM et de ses alliés, tout comme aucune voix ne doit se porter sur les supplétifs des « républicains ». Aucune voix, non plus, ne doit aller à l’abstention. Si certains de mes lecteurs et des gens qui me suivent considèrent qu’à ces élections, mieux vaut encore voter pour la France Insoumise que de perdre sa voix dans des votes ultra-minoritaires, je puis les comprendre. Mais, en tout état de cause, il faut savoir que ce vote ne sera et ne vaudra pas approbation de la ligne politique de ce mouvement. Tout comme je comprendrai que dégoutés ou révoltés, ils décident de faire passer les principes avant la politique, ce qui est néanmoins une erreur. Le vote ne peut-être qu’un vote « anti-Macron ». Il faudra donc additionner les votes qui se seront portés sur de nombreuses listes.
Dans le plus long terme, et au-delà de la constitution de nouvelles organisations, un processus que je puis approuver tout en le considérant comme faisant partie de la crise que nous traversons, il nous faudra impérativement concevoir des formes permettant à des organisations, différentes et mêmes opposées sur de nombreux points, de frapper ensemble l’ennemi commun. L’avenir en dépend.
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