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  • Petite revue d'actualités sur des sujets divers: géopolitique, économie, santé etc.... Le titre est inspiré de l'ouvrage de Joël de Rosnay : "le macroscope - Vers une vision globale" - 1er février 1977 Une introduction à l'étude des systèmes complexes.
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14 mai 2019

Macron, le RIP, et l’unité de ses opposants - 14/05/2019

Macron, le RIP, et l’unité de ses opposants

Dans le tumulte de la campagne pour les élections dites européennes, une information n’a pas reçue l’attention qu’elle méritait : le Conseil constitutionnel a validé la demande de Référendum d’Initiative Partagée (RIP) concernant la privatisation d’Aéroport de Paris (ADP) déposée par une centaine de députés de l’opposition. La procédure de mise en œuvre du RIP est complexe. Après une demande déposée par les députés, après la validation par le Conseil constitutionnel, il faudra encore réunir 4,7 millions de signatures pour que ce référendum ait lieu. Mais, qu’importe, c’est une victoire, et surtout le début d’un processus qui pourrait largement bousculer les équilibres prévalant aujourd’hui. La campagne pour le RIP qui va donc s’engager, se situant dans le logique du mouvement des Gilets Jaunes, est susceptible, si elle est menée avec intelligence, de déséquilibrer un peu plus le pouvoir d’Emmanuel Macron et du « bloc bourgeois » qui dirige en France au point, peut-être de le faire chavirer.

Une victoire


Ne boudons pas la victoire qui a été remportée. Car, c’est bien d’une victoire qu’il s’agit. En effet, cette procédure engagée, alors qu’on la disait impossible en pratique, va remettre au milieu des débats la pratique référendaire et l’ensemble de la politique économique d’Emmanuel Macron. On sait que les élites françaises, et en particulier Nicolas Sarkozy dont cela restera l’une des grandes hontes, avaient pratiquement décidé d’exclure le référendum de la vie politique à la suite de la gifle magistrale qui leur avait été administrée lors du référendum sur le projet de Traité Constitutionnel Européen de 2005. D’ailleurs, dans la réforme constitutionnelle qui avait instaurée le RIP, les précautions avaient été nombreuses pour s’assurer l’impossibilité pratique de le mettre en œuvre. Le fait qu’une partie de ces difficultés aient été surmontée, même si recueillir 4,7 millions de signature n’est pas une mince affaire, est déjà en soi une victoire significative.
Car, cette mise en œuvre du RIP ne survient pas à n’importe quel moment. Ici encore, c’est le contexte qui fournit le sens profond de l’événement. Le mouvement des Gilets Jaunes a posé la revendication pour un Référendum d’Initiative Citoyenne, sur le modèle de ce qui existe aujourd’hui en Suisse. Dans cette revendication, que certains étendent à la notion de Référendum révocatoire (en particulier la France Insoumise) il faut voir à la fois une réaction contre la capture du système politique par une élite, que l’on peut décrire comme politico-journalistico-financière, et une revendication – pour certains – d’une démocratie directe. La première est entièrement légitime et parfaitement justifiée ; la seconde est plus critiquable.
Il n’empêche ; les grands spécialistes du Droit constitutionnel et les sociologues (on peut citer Max Weber) ont tous été sensible à ce risque de capture d’un système politique se prétendant démocratique. Ils ont tous insisté sur la nécessité d’user de la procédure référendaire comme d’une garantie ultime pour la démocratie. L’idée étant que le « peuple » ne peut s’occuper en permanence de l’ensemble des sujets qu’impliquent le fonctionnement quotidien d’un système démocratique, mais qu’il doit pouvoir, quand le temps est venu, faire entendre directement sa voix. C’est le sens profond de la procédure référendaire. Elle est donc nécessaire à la démocratie. Le fait donc de voir le RIP mis en œuvre est un camouflet pour l’ensemble de nos dirigeants et pour leurs chiens de garde.

Le Premier ministre connaît-il la Constitution ?


Certains diront, comme le Premier ministre Edouard Philippe, que l’usage de cette procédure pourrait contredire l’avis de la représentation nationale (les députés et sénateurs) et qu’en cela cette procédure n’est donc pas démocratique . Ils font, à dessein, une confusion grave. La représentation nationale, et en particulier les députés, est élue dans un système qui se doit de combiner une exigence de représentativité et une exigence de fonctionnalité. Ces deux exigences engendrent une contradiction certaine dans tous système électoral, mais cette contradiction doit être admise, et gérée, et non pas niée. C’est pourquoi, d’ailleurs, la revendication de proportionnelle intégrale avancée par le Rassemblement National est mal venue. On le sait, un tel système aboutit à une fragmentation rapide de la représentation nationale et coupe les députés de leur ancrage territorial (une voie sur laquelle on s’est d’ailleurs engagée avec l’interdiction du cumul des fonctions de député et de maire), en les mettant entièrement dans la main des appareils des partis. Il n’est ici que de regarder ce qui s’est passé avec la constitution des listes pour les élections « européennes » dans un certain nombre de mouvements et de partis. La fragmentation aboutit à ce que des partis très minoritaires, parce qu’ils sont nécessaires à la constitution de majorités, aient un poids disproportionné sur la vie politique de la Nation. C’est ainsi le cas en Israël. Permettre à des majorités stables de se dégager est donc l’un des impératifs du système électoral. C’est l’exigence de fonctionnalité. Mais, satisfaire à cette exigence implique aussi de satisfaire à celle de représentativité. Car, une majorité stable n’a pas de sens si elle ne représente pas, ne serait-ce que de manière déformée, les courants qui traversent le peuple. Or, on doit le constater, elle n’est pas satisfaite dans le système français actuel, sauf si l’on réintroduit le référendum. Ainsi, Edouard Philippe, notre Premier ministre, a montré qu’il ne comprenait pas les principes des règles dont nous sommes dotés, tout comme il ignorait, à l’évidence, le texte même de la Constitution, texte qui prévoit et organise le RIP.
Ainsi, les protestations contre l’usage du RIP se révèlent pour ce qu’elles sont : le cri de détresse de cette élite politico-journalistico-financière quand elle se voit menacée d’être dépossédé de son pouvoir (et de ses prébendes).

La dynamique de la campagne pour le recueil des signatures


La campagne pour le recueil des signatures qui va donc s’engager sera d’une importance capitale. Elle pourrait, par les dynamiques qui sont susceptibles d’être engendrées, mettre un terme à la situation de blocage politique que nous subissons, et qui permet à un pouvoir largement minoritaire de survivre, voire de continuer à développer ses méfaits.
Le fait que ce RIP concerne un projet de privatisation ET qu’il ait été initié par une alliance des différentes oppositions, définit les contours politiques de ce qu’elle pourrait être. Jean-Luc Mélenchon appelle ainsi à fédérer tous les efforts, sans sectarisme . C’est une position importante et courageuse. Gilles Carrez, qui n’est pas du même bord politique, a lui aussi qualifié de « question d’intérêt général et (…) enjeu d’une extrême importance » le RIP et la question de privatisation d’ADP , et il a appelé à l’unité la plus large de tous les opposants au projet de privatisation. Ces deux démarches dessinent ce que pourrait être la campagne pour le recueil des 4,7 millions de signatures dans les prochaines semaines.
En bonne logique devraient donc se constituer des comités locaux pour le recueil des signatures avec à leur tête un comité central de coordination. Ces comités locaux devraient donc être logiquement ouverts à tous du moment qu’ils soutiennent le projet, et ce sans exclusive politique ou idéologique. Mélenchon a parlé d’une logique du CNR. Mais, il convient de savoir que dans ce dernier on trouvait des anciens de l’Action Française, voire de la Cagoule. Le CNR, face aux allemands et à leurs collaborateurs, avait acté le fait que les anciennes oppositions politiques, sans disparaître, étaient de l’ordre de l’agonique alors que celles induites par l’occupation et le régime de Vichy relevaient de l’antagonique, de la logique ami/ennemi. Ces comités pourraient donc avoir pour effet de faire se rencontrer des personnes très diverses, d’opinions très différentes et qui pourraient faire l’expérience d’un combat commun. En cela, ces comités pourraient être la suite du mouvement des Gilets Jaunes, constituant ainsi l’équivalent des ronds-points 2.0.
Cette campagne pourrait donc être l’occasion, face à un pouvoir en difficulté depuis le début du mouvement en octobre dernier, et qui aurait subi un échec politique aux élections européennes compromettant toute stabilisation du dit pouvoir, de relancer la dynamique offensive qui était jusque là à l’œuvre. Cette campagne doit se fixer pour but non seulement de recueillir les 4,7 millions de signatures, mais aussi de donner une nouvelle jeunesse au mouvement issu des Gilets Jaunes et de lui permettre de s’inscrire dans la durée en lui fournissant ainsi un cadre d’organisation. Les comités locaux seraient ainsi appelés à être actifs pendant plusieurs mois, jusqu’à ce que les signatures soient recueillies, promouvant une agitation locale permanente et s’emparant de divers terrains politiques et sociaux, et confrontant en permanence le pouvoir macronien à ses propres turpitudes, qu’elles soient économiques ou politiques, comme avec l’affaire Benalla et les suites des multiples violences policières de ces derniers mois.
Bien plus que les pantalonnades d’un soi-disant « Procès de Macron », bien plus même que ce que l’on a appelé le mouvement « Nuit debout » qui n’a ni su, ni n’a réellement voulu, s’élargir, cette campagne donnera la possibilité de continuer la lutte sur la base la plus large. En organisant face à ce pouvoir qui nous a donné maintes preuves qu’il nous considérait comme son ennemi la nécessaire unité du peuple, cette campagne peut donner l’occasion de passer à la vitesse supérieure. C’est pourquoi tous les opposants, tous les souverainistes, se doivent d’y participer.

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