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Vu au macroscope 3
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  • Petite revue d'actualités sur des sujets divers: géopolitique, économie, santé etc.... Le titre est inspiré de l'ouvrage de Joël de Rosnay : "le macroscope - Vers une vision globale" - 1er février 1977 Une introduction à l'étude des systèmes complexes.
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15 novembre 2019

Retour sur l’ineptocratie - par Charles GAVE

Je viens de passer une journée dans l’est de la France, invité par le Maire d’une petite commune de la Meuse, Culey, que je remercie ici. J’en suis revenu encore plus indigné que je ne l’étais en partant, tant la situation des habitants y est encore plus désastreuse que tout ce que je pouvais imaginer. Je me suis précipité en rentrant sur mon ordinateur pour écrire un compte rendu de ce petit voyage. En l’écrivant, j’ai eu la sensation que j’avais déjà tout décrit avant même d’y être allé. J’ai vérifié, et j’ai retrouvé ce texte que j’ai écrit il y a environ un an et que je reprends in extenso, n’ayant rien à y ajouter.

Que le lecteur veuille bien m’excuser de cet inhabituel accès de paresse mais parfois, nul besoin de ré-inventer la roue.

 

Je vais me livrer à un petit exercice de style : utiliser les écrits de deux hommes éminents qui m’ont influencé dans mon parcours intellectuel, Bastiat et Milton Friedman pour porter un diagnostic sur ce qui mine notre pays. Et qu’est que ces deux grands hommes ont en commun ? Une chose en particulier : la capacité de me faire rire en parlant d’économie tout en écrivant dans une langue superbe.

Commençons par Bastiat.

Bastiat disait que n’importe quel individu qui voulait s’approprier quelque chose avait le choix pour l’obtenir entre « travailler ou voler », et qu’il n‘y avait pas de troisième voie. Et qu’il était beaucoup plus fatigant de travailler que de voler, mais que voler pouvait être dangereux.  Et donc que le plus simple pour voler est de s’organiser pour capturer l’Etat et autoriser le vol légal, qu’il appelait « spoliation ». Voici la citation

« On est d’abord porté à penser que la Spoliation ne se manifeste que sous la forme de ces vols définis et punis par le Code. S’il en était ainsi, je donnerais, en effet, une trop grande importance sociale à des faits exceptionnels, que la conscience publique réprouve et que la loi réprime. Mais, hélas ! il y a la spoliation qui s’exerce avec le consentement de la loi, par l’opération de la loi, avec l’assentiment et souvent aux applaudissements de la société. C’est cette Spoliation seule qui peut prendre des proportions énormes, suffisantes pour altérer la distribution de la richesse dans le corps social, paralyser pour longtemps la force de nivellement qui est dans la Liberté, créer l’inégalité permanente des conditions, ouvrir le gouffre de la misère, et répandre sur le monde ce déluge de maux que des esprits superficiels attribuent à la Propriété. Le vol individuel peut être rare, sévèrement réprimé, mais la spoliation est organisée, légalisée, systématisée. »

Et pourtant à son époque le vol en bande organisée « (communément appelé socialisme) » commençait à peine à prendre son vol (si j’ose dire). Nous avons fait beaucoup de progrès depuis !

 

Venons-en à Milton Friedman, qui disait en riant beaucoup qu’il y avait quatre façons de dépenser de l’argent.

  1. Je peux dépenser pour moi de l’argent que j’ai gagné moi-même. En général, cet argent est bien utilisé et le montant de satisfaction très élevé.
  2. Je peux dépenser de l’argent que j’ai gagné au profit de quelqu’un d’autre. J’achète une moto de compétition pour son anniversaire à mon épouse. L’intention est là, la satisfaction peut-être pas.
  3. Je peux dépenser de l’argent que quelqu’un d’autre a gagné, mettons une subvention étatique et j’en tirerai une satisfaction certaine, mais il n’est pas certain que cet argent soit mieux dépensé que par celui qui l’a gagné, ou que je vais continuer à toucher ces subventions.
  4. Et enfin, l’argent peut être transféré de mon compte au compte de quelqu’un qui ne l’a pas gagné mais qui devra le dépenser en l’envoyant à une autre personne parce que la Loi lui a donné cette prérogative, et là c’est toujours du grand n’importe quoi.

Le but de ce petit papier est simplement de montrer qu’en utilisant l’analyse de Bastiat et la typologie de la dépense de Milton Friedman, je peux expliquer tout ce qui s’est passé en France depuis quarante ans, tout ce qui se passe aujourd’hui et prévoir sans grandes difficultés tout ce qui va se passer demain. Au travail donc.

Comme je l’ai souvent rappelé, une Nation est une volonté de vivre ensemble (Renan) et cette volonté de vivre ensemble s’exprime par le fait que la communauté délègue à une entité qu’il est convenu d’appeler « L’ETAT » le monopole de la violence légale. Pour fonctionner cet Etat (je ne sais pas pourquoi je l’honore d’une majuscule, mais c’est une tradition française) a besoin de lever des impôts pour faire face à ses obligations.

Dans ma vie, j’ai rencontré au grès de mes pérégrinations trois sortes de systèmes d’imposition.

  • Certains pays levaient des impôts simplement pour assurer le fonctionnement des fonctions régaliennes de l’état. Police, Justice, Diplomatie et Armée. Je pense à Hong-Kong et à Singapour par exemple. La charge fiscale de ces pays se balade entre 15 % et 25 % et ils sont en général en excèdent budgétaire et la fraude fiscale y est inexistante.
  • Une deuxième catégorie de pays lève des impôts non seulement pour assurer leurs obligations régaliennes mais aussi pour financer tout ou partie d’un certain nombre de dépenses propres à favoriser la cohésion nationale du style éducation pour tous, dépensés de santé ou aménagement du territoire. La charge fiscale dans ces pays, parmi lesquels on peut compter les démocraties du nord de l’Europe sera de ce fait beaucoup plus élevée que dans le premier cas, mais force est de constater que la population supporte assez bien cette pression dans la mesure où les sociétés sont homogènes et respectueuses de la Loi. Il n’en reste pas moins que les législations fiscales deviennent tellement compliquées et contradictoires qu’une véritable industrie de l’optimisation fiscale se met en place qui utilise beaucoup de gens très compétents à des taches qui ne paraissent pas bien intéressantes. La fraude fiscale apparaît…
  • Et enfin, un certain nombre de pays ont bâti des systèmes qui cherchent à « promouvoir la justice sociale », qui est à la justice ce que la musique militaire est à la musique. L’idée de base de ceux qui parlent de justice sociale est le concept Marxiste que la richesse est un gâteau à taille fixe et que si certains ont une trop grosse part de ce gâteau, c’est qu’ils ont volé ou triché et que l’Etat, dans son rôle d’arbitre impartial (si c’est eux qui en ont la charge bien sûr) doit leur faire rendre gorge.  Et donc, la soi-disant Justice Sociale n’est qu’une déclinaison moderne de ce que l’on appelait dans ma jeunesse « l’envie aux dents vertes », condamnée comme tout un chacun le sait par l’un des dix commandements, le dixième si mes souvenirs sont exacts. Là, la fraude fiscale devient quasiment légitime…Fort naturellement, ces pays se retrouvent à financer tous les canards boiteux pour « préserver l’emploi au nom de la justice sociale » pendant que les gens compétents quittent le pays aussi vite que les capitaux, tandis que le poids de l’Etat ne cesse de monter, le nombre de fonctionnaires d’exploser, la corruption de fleurir (comme le disait un humoriste, quand c’est un  fonctionnaire qui donne des licences d’importation, la première chose à  acheter est ce fonctionnaire), les pénuries de voir le jour et les déficits budgétaires d’exploser…

Et le pire est que ce que je décris est un processus dynamique et non pas un état stable et ce processus se termine TOUJOURS par la faillite de l’état qui se laisse aller à ce genre de pratiques tout ceci se terminant par un changement de personnel politique ou de régime…. Et je peux fournir autant d’exemples que le lecteur le désire mais en voici quelques-uns :  France en 1958, Grande-Bretagne en 1977, URSS en 1990, Venezuela et Algérie aujourd’hui. Les principes sont toujours les mêmes et les résultats identiques. La spoliation étatique ne se stabilise jamais, elle ira toujours vers son but ultime : une pauvreté effrayante pour tout le monde, sauf pour les apparatchiks.

 

 

Tout cela est bel et bon mais il nous faut maintenant en arriver au diagnostic sur notre pays.

Commençons par la spoliation.

Je ne suis pas un grand sociologue, mais j’ai vraiment l’impression que si les gens se collent des gilets jaunes sur le dos le samedi, ce n’est pas pour aller à la chasse ou éviter de se faire écraser sur les routes mais bien parce qu’ils en ont assez d’être spoliés.

Et je voudrais rappeler ici que la Démocratie Britannique a commencé en 1689 par le contrôle   des dépenses du Souverain par le Peuple. Et je crois avoir remarqué qu’un certain nombre de gilets jaunes veulent arriver à un résultat semblable et pour se faire réclament non seulement un audit des dépensés de l’état pour comprendre exactement où va leur argent mais aussi un référendum d’initiative citoyenne pour pouvoir voter sur la façon dont cet argent allait être dépensé dans le futur.

Tant il est certain qu’une grande partie du peuple de France est convaincu qu’il est l’objet d’un vol organisé, ce en quoi ils ont parfaitement raison.

 

Venons-en à l’analyse Friedmanienne.

Une partie gigantesque de la valeur ajoutée en France est allouée de fait par des gens qui ne l’ont pas créée, à des gens qui ne le méritent pas vraiment, dans un superbe mélange entre le point numéro trois et le point numéro quatre, sans que les autorités n’y trouvent rien à redire. Prenons un exemple : d’après les sources les plus sérieuses, la fraude à la Sécu coûte 14 milliards d’euro par an et les faits sont connus et confirmés par des rapports de la Cour des Comptes et de l’Inspection Générale de la Sécu, et ce depuis la présidence Sarkozy.

Et pourtant, rien n’a été fait depuis, ni sous Napoléon, ni sous Flanby, ni sous Jupiter. Il y a des gens qui volent 14 milliards d’euro à la communauté depuis des années et tout le monde s’en fout, personne n’agit et le pouvoir politique préfère augmenter le prix de l’énergie au détriment des non frondeurs pour continuer à boucher les trous.

Pourquoi ?

Trois raisons me viennent à l’esprit

  • Les courageux qui nous gouvernent ont peur que les fraudeurs ne soient d’un groupe ethnique diffèrent du reste de la population, ce qui pourrait gêner leurs politiques favorables à l’immigration.
  • Les mêmes ont peur que l’arrestation des fraudeurs ne déclenche des troubles dans certaines banlieues, ce qui nous ramène au problème bien connu des « territoires perdus de la République » qui sont peut -être perdus pour la République mais lui quand même coûtent très, très cher.
  • La troisième raison est de loin la plus grave : il n’est pas impossible que certains hommes politiques soient convaincus que cette fraude, dans la mesure où elle serait commise par ceux qu’ils pensent être les damnés de la terre soit légitime, un peu comme les juges du syndicat de la magistrature qui pensent que la victime est toujours coupable et le coupable toujours innocent. Et pour ces pervertis du cerveau, condamner le voleur, ce serait dans le fond reconnaître que la propriété privée doit être protégée, ce qui pour eux est une abomination.

Et si ça se passe dans la Sécu, cela doit se passer ailleurs et en particulier au niveau des administrations régionales et territoriales, et à une échelle très supérieure.

Je n’ai donc pas le moindre doute que cela se passe partout en France et que cette forme de corruption peut expliquer bien des résultats électoraux, que parfois je trouve étranges, ou des niveaux de vie que je trouve surprenants.

Ce qui nous amène à la philosophie de notre système fiscal qui, comme chacun le sait, ne cherche qu’à punir celui qui a réussi. Dans la parabole des talents, le Maître envoie en enfer le mauvais serviteur et donne son talent à celui qui a le mieux fait. Là ou l’on voit que le socialisme est proprement d’inspiration diabolique est dans le fait que nos systèmes fiscaux font exactement l’inverse. Ils enlèvent les talents à ceux qui ont bien travaillé pour les filer à celui qui n’a rien foutu, tout simplement parce que celui qui n’a rien foutu est un gros jaloux.

 

Conclusion

Nous sommes en plein dans une « inaptocratie », là laquelle j’avais consacré il y a longtemps l’une de ces chroniques, définie ainsi par un philosophe britannique :

“L’inaptocratie est un système de gouvernement où les moins capables de gouverner sont élus par les moins capables de produire et où les autres membres de la société les moins aptes à subvenir à eux-mêmes ou à réussir, sont récompensés par des biens et des services qui ont été payés par la confiscation de la richesse et du travail d’un nombre de producteurs en diminution continuelle.

(Cette définition avait été reprise par Jean d’Ormesson quelque temps après mon article, qui s’en était attribuée la paternité, ce qui m’avait déçu…)

Nous sommes donc régis par des ineptocrates au profit de bons à rien et voilà un diagnostic qui ne surprendra personne…

Heureusement et comme cela s’est souvent produit dans notre histoire, le peuple se lève et l’on peut espérer que « les moins capables de gouverner » vont être renvoyés à leurs chères études.

En fait, je suis surpris que personne ne fasse le rapprochement entre Solidarnosc en Pologne en 1988 et les Gilets Jaunes aujourd’hui tant les protagonistes et le scénario sont les mêmes.

Comme je le dis depuis son élection, dans le fond monsieur Macron est un nouveau Jaruzelski, placé là par les caciques de la mondialisation pour qu’ils puissent continuer à piller tranquillement notre pays. Or ce genre de Quisling affectionne généralement l’usage de la force et donc la force a été utilisée de façon démesurée contre des gens fondamentalement paisibles.

S’il veut que les français se fâchent vraiment, qu’il continue, le résultat est garanti et il lui faudra se réfugier en Grande-Bretagne, comme Napoléon III le fit en son temps.

Je ne doute pas d’ailleurs qu’il y trouvera un poste dans la City, pas rancunière pour un sou.

Auteur: Charles Gave

Economiste et financier, Charles Gave s’est fait connaitre du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Editions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l'IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).

 

Charles Gave  ,   Le 11 novembre, 2019      //    Institut des Libertés

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