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24 novembre 2019

Comment Human Rights Watch a justifié un massacre en Bolivie

Par Alan Macleod
Paru sur MintPress et Information Clearing House sous le titre How Human Rights Watch Whitewashed a Right-Wing Massacre in Bolivia


Même si certains pourraient être surpris de sa réaction à la crise bolivienne, le soutien de Human Rights Watch à un coup d’État d’extrême droite soutenu par les États-Unis n’est pas un accident.

La Bolivie est actuellement en proie à des troubles graves après la destitution du président Evo Morales lors d’un coup d’État soutenu par les États-Unis, le 10 novembre dernier. Le nouveau régime putschiste a contraint Morales à l’exil, a commencé à arrêter des politiciens et des journalistes tout en exonérant d’avance les services de sécurité de tous les crimes commis pendant la « restauration de l’ordre », leur permettant implicitement de tuer tout résistant à leur régime. Des dizaines de personnes sont mortes et des massacres de manifestants indigènes ont eu lieu dans la ville de Cochabamba et la petite ville de Senkata.

Dans des situations aussi confuses et alarmantes que celle-ci, des millions de personnes dans le monde se tournent vers les organisations internationales de défense des droits de l’homme pour en obtenir un soutien et des conseils. Cependant, loin de défendre les opprimés, Human Rights Watch a effectivement soutenu les putschistes. Dans son communiqué officiel, l’ONG s’est abstenue d’utiliser le terme coup d’État, insistant sur le fait que Morales avait « démissionné », avec son directeur pour les Amériques, José Miguel Vivanco, affirmant que le président avait démissionné « après des semaines de troubles civils et de violents affrontements », sans la moindre mention de la violence de l’opposition contre son parti, ni du rôle des militaires qui, l’arme au poing, ont exigé sa démission. Par conséquent, Morales se serait « rendu au Mexique » sans raison apparente, selon les termes de l’organisation, et non en vue de s’y réfugier pour échapper à son arrestation.

De plus, l’ONG approuve tacitement le nouveau gouvernement en lui conseillant de « donner la priorité aux droits ».

Le directeur de Human Rights Watch, Kenneth Roth, est allé plus loin en présentant la fuite du chef d’État élu sous la menace d’une arme à feu comme « un pas en avant rafraîchissant pour la démocratie », affirmant que Morales a été « la victime d’une contre-révolution visant à défendre la démocratie… contre la fraude électorale et sa propre candidature illégale », et insinuant au passage que Morales aurait ordonné à l’armée de tuer des protestataires.

(Tweet : Le Bolivien Evo Morales a été « la victime d’une contre-révolution visant à défendre la démocratie… contre la fraude électorale et sa propre candidature illégale ». L’armée lui a retiré son soutien parce qu’elle n’était pas prête à tirer sur les gens pour le soutenir au pouvoir. »)

Roth a également qualifié le coup « d’insurrection » et de « moment de transition » pour la Bolivie, tout en présentant le président Morales comme un « homme fort » déconnecté.

(Tweet : La chose la plus importante en ce moment de transition pour la Bolivie est de veiller à ce que les autorités rétablissent l’État de droit et protègent les droits fondamentaux, y compris le droit de manifester pacifiquement et de voter dans le cadre d’élections transparentes, compétitives et équitables.)

La nouvelle présidente autoproclamée Jeanine Añez, dont le parti avait obtenu 4% des voix aux élections d’octobre dernier, a déjà expulsé des centaines de médecins cubains, rompu ses liens avec le Venezuela et retiré la Bolivie de multiples organisations et traités internationaux et intercontinentaux. Elle décrit la majorité indigène des Boliviens comme « sataniques » et insiste sur le fait qu’ils ne devraient pas être autorisés à vivre dans les villes, mais envoyés dans le désert ou dans les hautes terres dépeuplées. Añez a déclaré qu’elle s’est « engagée à prendre toutes les mesures nécessaires pour pacifier » la population.

(Tweet : « Je rêve d’une Bolivie sans pratiques indigènes sataniques. La ville n’est pas pour les Indiens : ils devraient aller sur les hauts plateaux ou dans le désert – la nouvelle présidente autoproclamée de la Bolivie, Jeanine Añez, soutenue par les Etats-Unis. »)

Human Rights Watch a décrit la loi accordant aux forces de sécurité boliviennes l’impunité totale pour tuer les dissidents comme un « décret problématique », comme si Añez avait juste utilisé un langage raciste un peu sensible, alors qu’elle a ouvertement ordonné un massacre. Dans sa déclaration, l’ONG a noté que « neuf personnes sont mortes et 122 ont été blessées » lors de la manifestation de Cochabamba, laissant ses lecteurs complètement dans l’ignorance quant aux identités des personnes décédées et des responsables du meurtre.

Une longue histoire de deux poids, deux mesures

Human Rights Watch a été créée en 1978 sous le nom d’Helsinki Watch, une organisation américaine consacrée à la dénonciation des crimes des pays du bloc de l’Est et au contrôle de leur respect des accords d’Helsinki. Depuis sa création, il lui a constamment été reproché d’être un agent de la politique étrangère américaine, d’employer d’anciens fonctionnaires du gouvernement américain à des postes-clés et de faire preuve de partialité contre les gouvernements de gauche hostiles aux États-Unis.

Par exemple, un rapport de 2008 sur les violations des droits de l’homme au Venezuela, rédigé par José Vivanco, a été immédiatement dénoncé par des centaines d’universitaires et d’universitaires latino-américains, selon qui ce document « grossièrement biaisé » ne satisfait même pas aux normes les plus minimales en matière de recherche, d’impartialité, de précision et de crédibilité. En effet, Vivanco avait ouvertement exprimé ses préjugés, révélant qu’il avait rédigé le rapport « parce que nous voulions démontrer au monde que le Venezuela n’est un modèle pour personne ».

En revanche, Human Rights Watch est resté relativement silencieuse sur le coup d’État hondurien qui a renversé le président de gauche Manuel Zelaya et sur la répression qui s’en est suivie, portant ainsi les valises du changement de régime soutenu par les États-Unis. Comme l’a écrit Keane Bhatt, directeur des communications de Bernie Sanders :

Les liens étroits de Human Rights Watch avec le secteur des grandes entreprises et l’État américain devraient disqualifier l’institution de toute prétention publique à l’indépendance. »

De même, l’image d’Amnesty International en tant que défenseur des droits humains cache un passé sombre d’organisation de façade pour les gouvernements occidentaux. Comme MintPress News l’a révélé plus tôt cette année, l’un des cofondateurs de l’organisation, Peter Benenson, était un anticommuniste déclaré qui entretenait des liens profonds avec les Foreign and Colonial Offices britanniques, et soutenait le régime de l’apartheid en Afrique du Sud à la demande du gouvernement britannique. Un autre cofondateur, Luis Kutner, était un agent du FBI impliqué dans l’assassinat du chef des Black Panthers, Fred Hampton, par le gouvernement. * Kutner a ensuite créé une organisation appelée « Friends of the FBI » (« Les Amis du FBI »), consacrée à la lutte contre les critiques envers le Bureau.

Par conséquent, bien que certains puissent être surpris de sa réaction à la crise bolivienne, les applaudissements de Human Rights Watch au coup d’État d’extrême droite soutenu par les États-Unis contre un chef d’État de gauche élu démocratiquement ne sont peut-être ni une aberration, ni une erreur. L’ONG accomplit sa véritable mission en renforçant l’hégémonie américaine à travers la condamnation de tout opposant dans « l’arrière-cour » des USA.

Traduction Entelekheia
Photo Gerd Altmann/Pixabay

 

Note de la traduction :

* L’accusation a l’air surréaliste, mais les éléments à charge sont malheureusement solides. Voir par exemple, en anglais : Luis Kutner: The Declassified Life of a Human Rights Icon
Et en français : La collaboration troublante d’Amnesty International avec les services de renseignement britanniques et américains

 

 

 

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