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  • Petite revue d'actualités sur des sujets divers: géopolitique, économie, santé etc.... Le titre est inspiré de l'ouvrage de Joël de Rosnay : "le macroscope - Vers une vision globale" - 1er février 1977 Une introduction à l'étude des systèmes complexes.
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22 mars 2019

SENAT/ELYSEE - Mais qui est ce Christian Guédon, l'actuel garde du corps de Macron ?

Mais qui est ce Christian Guédon, l'actuel garde du corps de Macron ?


Publié le 22 mars 2019   // 
Front de Gauche Pierre Bénite

 

Alexandre Benalla et Christian Guédon (à droite) lors d'un déplacement d'Emmanuel Macron en mars 2018. © Reuters

Alexandre Benalla et Christian Guédon (à droite) lors d'un déplacement d'Emmanuel Macron en mars 2018. © Reuters

Un article de Fabrice ARFI et Marine TURCHI publié sur Médiapart le 22 mars 2019.

" Dans le jargon de la protection rapprochée, Christian Guédon est « l’épaule » du président de la République. C’est le garde du corps le plus proche du chef de l’État, garant de son intégrité physique dans chacun de ses déplacements. Depuis le début du grand débat national, on le voit, des heures durant, dans l’axe des caméras de la télévision, scrutant les faits et gestes d’Emmanuel Macron au milieu des participants. Mais qui est ce Christian Guédon ?

Mais Christian Guédon n’est pas qu’un membre dévoué du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR). C’est aussi un homme placé par Benalla dans des conditions inhabituelles. La preuve définitive que, contrairement aux déclarations de représentants de l’Élysée, Alexandre Benalla avait bien engagé la refondation de la protection du chef de l’État, en vue de créer une structure à sa main, une « brigade du chef » composée de gendarmes de réserves et d'anciens policiers échappant au contrôle direct du ministère de l'intérieur.

Notre enquête montre que :

  • Christian Guédon a été intégré au sein du GSPR grâce à Alexandre Benalla et dans des conditions dérogatoires aux règles jusqu’ici en vigueur.
  • Spécialisé dans les « domaines technique et tactique de l’effraction et de l’infiltration », Christian Guédon a travaillé pendant plusieurs années pour des sociétés de sécurité privée en Afrique et au Moyen-Orient.
  • Christian Guédon a continué à échanger avec Alexandre Benalla après son départ de l’Élysée. Il s’est même rendu en sa compagnie, à la fin de l’été, chez un trouble intermédiaire syrien domicilié à Paris.

Ancien membre du Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), Christian Guédon fut garde du corps d’Emmanuel Macron pendant la présidentielle. Il a d’abord été rémunéré à travers sa société « CGSolution » au lancement d’En Marche! (voir une facture ici), avant de signer un CDI avec le parti le 19 septembre 2016 (voir un bulletin de paie ici).

Il a ensuite travaillé sous l’autorité directe d’Alexandre Benalla à l’embauche officielle de ce dernier en qualité de responsable de la sécurité du mouvement, le 5 décembre 2016. Guédon est « un gars très sérieux », considère-t-on chez LREM.

Mediapart avait raconté en août comment l’ancien gendarme avait ensuite été intégré au Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), alors qu’il avait pourtant quitté la gendarmerie depuis plusieurs années. Sa reprise d’activité avait été jugée irréalisable administrativement par la hiérarchie de la gendarmerie. Mais le président a obtenu gain de cause pour faire entrer Guédon dans l’unité de protection présidentielle.

La commission d’enquête sénatoriale sur l’affaire Benalla a confirmé le caractère atypique de cette nomination. 

« Alors même que le recrutement des agents du GSPR ne relève, en théorie, que du chef du GSPR, au moins un agent aurait été recruté au sein du GSPR après avoir été recommandé par Alexandre Benalla », se sont étonnés les sénateurs, dans leur rapport d’information

Lors de son audition devant la commission le 19 septembre 2018, Alexandre Benalla n’a pas contesté son rôle dans le recrutement de M. Guédon, tout en le relativisant : « Sans émettre, à proprement parler, un avis, j’ai pu dire le bien que je pensais d’une personne, en soulignant qu’il s’agissait d’un grand professionnel et qu’il serait bon qu’il rejoigne les rangs du GSPR. Ce policier a été soumis aux tests, au processus de sélection normal ; il disposait de toutes les compétences requises, et il a été recruté. »

Guédon a certes été soumis à des tests mais, contrairement à ce que soutient Benalla, son recrutement « n’a pas été fait dans le respect des règles habituellement applicables au GSPR », ont souligné les sénateurs.

Sans remettre en cause les « compétences de ce professionnel », la commission d’enquête a constaté

« que le seul fait qu’il ait pu être intégré au sein du dispositif de sécurité du président de la République révèle les limites du cadre réglementaire applicable à l’organisation et à la composition du GSPR, qui ne paraît pas garantir que seuls des policiers et gendarmes d’active [en activité – ndlr] dûment formés et sélectionnés puissent y être nommés ».

Aucun texte ne régit formellement le mode de recrutement des membres du GSPR mais la « pratique constante » imposait jusqu’ici que celui-ci « ne soit composé que de fonctionnaires de police et de militaires de la gendarmerie ». Christian Guédon a, lui, quitté la gendarmerie en 2010 et n’était donc plus en activité dans le service public depuis de longues années.

Quand il était gendarme comme chef d’unité opérationnelle, Christian Guédon avait une spécialité pour le moins particulière. Il a été le « créateur », en 2002, de la « cellule ouverture fine au GIGN ». Sa spécialité : les « techniques d’ouverture discrètes des serrures de bâtiments et véhicules à des fins judiciaires », revendique-t-il dans son C.V., consulté par Mediapart. Il forme aussi les agents dans les « domaines technique et tactique de l’effraction et de l’infiltration ». La gendarmerie nous a confirmé l’existence de la « cellule ouverture » du GIGN, ainsi que sa création en 2002.

Fort de cette expérience, Guédon part dans le privé en 2010. « Il avait une solide réputation », explique à Mediapart son premier employeur, Frédéric Gallois, ancien patron du GIGN ayant cofondé quelques mois plus tôt l’entreprise Gallice Security. Pour cette société, Guédon part en Afrique, où Gallice a des marchés avec plusieurs chefs d’État (Mali, Centrafrique ou encore Gabon).

Extrait du C.V. de Christian Guédon. © Document Mediapart Extrait du C.V. de Christian Guédon. © Document Mediapart

 

Frédéric Gallois déclare que M. Guédon assure alors la formation des forces de sécurité gabonaises avant la coupe d’Afrique des nations (CAN) de 2012. « Nous avons utilisé plusieurs instructeurs en free lance. Christian Guédon en faisait partie », explique-t-il. S’est-il appuyé sur son savoir-faire en « ouvertures discrètes » ? « Non, il s’est occupé de choses très simples, comment organiser un convoi, comment organiser une équipe de sécurité. Toute personne qui sort du GIGN maîtrise ces standards de sécurité », détaille M. Gallois.

Christian Guédon change ensuite d’employeur et bourlingue à travers le monde : de la « contre-piraterie maritime » dans l’océan Indien pour la société Triskel, enregistrée à Londres et opérant depuis Djibouti, des opérations de sécurité électronique au Qatar, etc. En 2013, Guédon assure une formation de sniper en Arabie saoudite.

Depuis 2011, « nous l’avions perdu de vue, avant de le voir réapparaître au GSPR », explique Frédéric Gallois.

Lors de son audition par le Sénat, le général Lionel Lavergne, le patron du groupe de sécurité présidentielle, a précisé que Christian Guédon, qui avait fait valoir ses droits à la retraite et s’était reconverti dans la sécurité privée, avait dépassé la limite d’âge pour servir dans le GIGN [40 ans pour un gendarme – ndlr], et donc être affecté au GSPR par le biais de la procédure habituelle. Il a ainsi été engagé en tant que « sous-officier commissionné, c’est-à-dire sous contrat », ont noté les sénateurs.

Depuis, Guédon a noué une relation particulière avec le président. Régulièrement, les deux hommes boxent dans les sous-sols du Palais de l’Élysée.

En janvier 2018, une séquence captée par les caméras de l’émission « Quotidien » de Yann Barthès, lors d’une séance d’autographes, montre cette grande proximité. Emmanuel Macron et Christian Guédon se chambrent en public. « Enfoiré ! », « Oh le salaud ! », lance l’agent de sécurité, sur le ton de la blague, au président de la République.

En juillet 2018, lorsque surgit l’affaire Benalla, Christian Guédon ne coupe pas les ponts avec l’adjoint du chef de cabinet du chef de l’État. À la décharge du garde du corps d’Emmanuel Macron, à cette époque, une grande partie de l’Élysée, à commencer par le président lui-même, maintient le contact avec Alexandre Benalla.

Le conseiller spécial d'Emmanuel Macron, Ismaël Emelien, organise la diffusion d'images de vidéosurveillance de la manifestation du 1er Mai afin de contrecarrer les révélations de la presse sur les agissements de M. Benalla. Dans un des enregistrements révélés par Mediapart, l'ancien adjoint du chef de cabinet déclare même, le 26 juillet, qu’Emelien continue à le « conseiller sur les médias et compagnie ».

Selon nos informations, M. Benalla a aussi continué, jusqu'en novembre, à voir Ludovic Chaker, chargé de mission auprès du chef d’état-major particulier du président de la République, avec qui il a participé, selon Le Monde, à plusieurs réunions visant à reconfigurer la sécurité présidentielle. Des réunions auxquelles a été convié Christian Prouteau, le créateur du GSPR et de la « cellule de l'Élysée » sous la présidence de François Mitterrand. L’Essor de la gendarmerie nationale avait aussi révélé, fin juillet, une photo montrant Alexandre Benalla avec le commandant militaire de l’Élysée, le général Bio-Farina, bras dessus bras dessous avec Christian Prouteau à la fête du 45e anniversaire de la création du GIGN, en mars 2018.

Christian Guédon était donc un autre point de contact, jusqu’ici méconnu, de Benalla au sein de l’Élysée. Jusqu’à quelle date exacte ? Impossible de le savoir.

Les deux hommes se sont en tout cas revus fin août dans un contexte étrange. La scène s’est déroulée à quelques encablures du Palais de l’Élysée, au troisième étage d’un immeuble donnant sur la place de l’Alma. C’est là que Mohamad Izzat Khatab, ressortissant syrien résidant à Paris depuis plusieurs années, a installé ses quartiers. Khatab se présente comme un opposant au dictateur Bachar al-Assad. À la tête de son énigmatique mouvement « La Syrie Pour Tous », il se voit en possible candidat de la France pour l’avenir de son pays.

Homme d’affaires, il entretient un train de vie important (voitures de luxe, sécurité privée…) sans qu’il soit possible de connaître le montant de sa fortune et son origine. Selon Libération, M. Khatab a fait l’objet en 2018 d’un signalement de Tracfin, la cellule antiblanchiment et antifraude du ministère de l'économie et des finances. Cette information a également été évoquée par Marianne.

Dans son appartement du VIIIe arrondissement, Khatab reçoit à tour de bras. Notamment dans une petite salle qu’il affectionne particulièrement. Un petit espace douillet, d’une quinzaine de mètres carrés, dont les murs en bois sont tapissés de photos de Khatab avec les grands de ce monde. Un tableau de chasse que l’homme d’affaires syrien revendique ostensiblement. Juste à droite de la cheminée, on peut voir, de bas en haut : Khatab avec François Hollande, Khatab avec Nicolas Sarkozy et Khatab avec Christophe Castaner.

Au fond de la pièce, juste au-dessus du canapé sur lequel le Syrien tire sur son narguilé, l’hôte pose cette fois avec l’ancien chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy. À droite du canapé trône enfin le plus précieux des trophées de cette interminable collection : une photo avec Emmanuel Macron, prise le 14 juillet 2016, à l’époque où l’actuel chef de l’État posait à peine les jalons de sa victoire surprise à la présidentielle.

C’est dans ce décorum aussi improbable qu’impressionnant qu’Alexandre Benalla a été reçu à plusieurs reprises la semaine du 20 août 2018, un mois après la mystérieuse disparition du coffre-fort au domicile de l'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron. Le 25 août, Benalla et Khatab se rendent ensemble chez l’homme d’affaires Vincent Miclet, dans le Périgord, où ils se réunissent avec l'intermédiaire du contrat russe Jean-Louis Haguenauer (voir une photo de la rencontre ici). Ni l’homme d’affaires syrien, ni l’ancien collaborateur d’Emmanuel Macron n’ont souhaité nous en dire plus sur la nature de ces rendez-vous.

C’est à cette même période mouvementée que Christian Guédon se rend chez Izzat Khatab en compagnie d'Alexandre Benalla, au retour des vacances d'Emmanuel Macron au fort de Brégançon. Quel était l’objet de ce rendez-vous ? Christian Guédon y a-t-il participé en coordination avec la présidence de la République ou l’a-t-il fait, sans autorisation, à sa seule initiative personnelle ? L’entourage du président n’a pas répondu à nos questions, entretenant ainsi un peu plus le mystère sur les ressorts de l’affaire qui paralyse l’Élysée depuis plusieurs mois."

Contacté à de nombreuses reprises depuis le 13 janvier, Christian Guédon n’a jamais donné suite à nos questions.

Le 15 janvier, la présidence de la République nous a, dans un premier temps, indiqué que Christian Guédon, « convoqué par sa hiérarchie », « a fermement démenti les allégations que vous portez le concernant et qui font l’objet de vos questions ». Malgré nos relances, nous n’avons malheureusement pas pu connaître le détail de ce démenti.

Relancé une dernière fois mercredi 20 mars, l’Élysée n’a pas retourné nos questions.

Sollicité par l’intermédiaire de son avocate Me Jacqueline Laffont, Alexandre Benalla n’a pas répondu à nos questions.

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