Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au macroscope 3
Vu au macroscope 3
  • Petite revue d'actualités sur des sujets divers: géopolitique, économie, santé etc.... Le titre est inspiré de l'ouvrage de Joël de Rosnay : "le macroscope - Vers une vision globale" - 1er février 1977 Une introduction à l'étude des systèmes complexes.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
6 juin 2019

Jacques Sapir : "L'objectif du gouvernement italien est de créer une monnaie parallèle à l'euro"

Matteo Salvini, vice-président du Conseil italien et patron de la Ligue du nord.
Matteo Salvini, vice-président du Conseil italien et patron de la Ligue du nord. - MASSIMO PERCOSSI/EPA/Newscom

Alors que la commission européenne menace l’Italie de déficit excessif, le Parlement italien a voté la possibilité d’émettre des bons du Trésor très spéciaux, des miniBoTs. Ce nouvel instrument financier serait-il le préalable à une sortie de l’euro ou une carte dans la manche du gouvernement italien pour remporter la partie ?

Marianne : Quel serait le statut des miniBoTs (Buoni Ordinaro Del Tresorio) : une monnaie parallèle ? Une forme de titrisation ? Un instrument de paiement pour acquitter ses impôts ?

Jacques Sapir* : Le gouvernement italien doit environ 50 milliards d’euros en impayés divers aux entreprises. Ces dernières ont, par ailleurs, accumulé des dettes fiscales (ainsi qu’aux assurances sociales) importantes. Les miniBoTs sont donc envisagés comme des instruments de compensation financière. L’Etat paierait ce qu’il doit en miniBoTs et les entreprises pourraient les utiliser pour payer leurs impôts.

Les miniBoTs auraient l’avantage d’alléger le poids des impôts pour les entreprises, en apportant une nouvelle liquidité, ceci permettant à ces dernières d’investir plus, et relançant ainsi la croissance. Si 50 milliards de ces miniBoTs sont émis, cela représenterait environ 3% du PIB. Les miniBoTs sont donc au départ un mécanisme fiscal. Mais, il est logique que ces miniBoTs circulent, d’abord entre les entreprises leur permettant de régler leurs dettes réciproques, puis, à terme, plus largement dans la société. On peut ainsi envisager qu’une partie du salaire des employés soit payée en miniBoTs. D’ailleurs, le fait que les coupures prévues aillent de 200 à 5 euros montre que l’objectif du gouvernement est bien une circulation ample, donc une monnaie parallèle.

"Les marchés commencent à se demander si l'Italie ne prépare pas sa sortie de l'euro"

Pour les marchés financiers, ces minibBoTs paraissent un danger, pourquoi ?

J.S : Si les marchés s’inquiètent, c’est pour deux raisons. Tout d’abord, ce système revient à transférer une partie du pouvoir monétaire à l’Etat italien. Puis, ils ont compris la dynamique profonde de ce système. Dans un système à deux monnaies, soit la nouvelle échoue rapidement, soit elle remplace la première - ici l’euro - tout aussi rapidement. Bien sûr, cela dépendra des règles que l’Etat italien mettra à la circulation des miniBoTs, ce que l’on appelle leur pouvoir libératoire. Mais les marchés commencent à se demander si l’Italie ne prépare pas sa sortie de l’euro.

D’autres pays pourraient-ils imiter l’initiative italienne ?

J.S : Bien sûr, tout pays peut, en théorie, le faire et décider de payer les entreprises dans le cadre des marchés publics avec des bons du Trésor servant à payer les impôts. La présence d’arriérés de l’Etat aux entreprises, et d’arriérés fiscaux des entreprises à l’Etat, donne cependant en Italie une justification à cette initiative, dont on comprend qu’elle n’est pas simplement économique et qu’elle pourrait avoir un but tout autre qu’une simple compensation fiscale.

*Jacques Sapir est économiste, directeur d'études à l'EHESS.

Publicité
Commentaires
Publicité
Newsletter
Archives
Pages
Publicité