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  • Petite revue d'actualités sur des sujets divers: géopolitique, économie, santé etc.... Le titre est inspiré de l'ouvrage de Joël de Rosnay : "le macroscope - Vers une vision globale" - 1er février 1977 Une introduction à l'étude des systèmes complexes.
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7 avril 2019

Macron, la droite, 2022... Bruno Retailleau lâche ses vérités

Figure aussi discrète qu'incontournable, le président du groupe LR au Sénat est devenu en quelques mois l'un des premiers opposants à Emmanuel Macron, au point de faire figure de candidat potentiel à la présidentielle de 2022. Interview.

Macron, la droite, 2022... Bruno Retailleau lâche ses vérité

Bruno Retailleau, nouvel héraut de la droite ?

AFP

Si le sort en avait décidé autrement, il aurait pu être le Premier ministre de François Fillon. Bruno Retailleau n'en conçoit pourtant aucun regret. Comme il le confie à Challenges, cela fait longtemps qu'il a " cassé son rétroviseur ". Concentré sur l'avenir et la refondation de sa famille politique – le titre de son dernier livre publié aux éditions de L'Observatoire – le patron du groupe Les Républicains au Sénat s'est imposé en quelques mois comme l'un des principaux opposants à Emmanuel Macron. C'est sous son impulsion que la chambre haute a transmis à la justice les conclusions de la commission d'enquête sur l'affaire Benalla et que les sénateurs ont voté le projet de loi anti-casseurs sans qu'il ne repasse à l'Assemblée nationale, piégeant la majorité présidentielle. Avec son micro-parti Force Républicaine, encore assis sur une partie du trésor de guerre filloniste, l'élu vendéen fait de plus en plus figure de candidat potentiel pour la présidentielle de 2022. Et si l'avenir de la droite s'incarnait dans cette figure sobre et discrète, peu encline aux querelles d'égo ?

Challenges : Vous avez des idées, de l'argent avec le micro-parti de François Fillon « Force Républicaine », un livre... Qu'est-ce qui vous empêche d'être candidat à la présidentielle de 2022 ?

Bruno Retailleau : Je n'y pense pas en me rasant tous les matins, ça c'est clair. Mais je veux contribuer à la refondation de ma famille politique. On est dans une période difficile pour les partis politiques traditionnels. L'opération Macron n'a pas fonctionné sur LR : la droite bouge encore. Il faut maintenant qu'on puisse se reconstruire et relancer la machine intellectuelle du parti, ce que je m'attelle à faire avec Force Républicaine. Notre formation a une vie extrêmement dense, avec les mercredis de Force Républicaine, une fois par mois. Nous revendiquons plus de 20.000 adhérents et 40.000 sympathisants. Tous les trois mois se tiennent nos grandes conventions. La dernière, qui était consacrée à la démocratie, a été introduite par Jean-Pierre Chevènement, dont j'apprécie la hauteur de vue et les constats acérés sur les enjeux démocratiques auxquels est confronté notre pays.

Êtes-vous toujours favorable à l'organisation d'une primaire à droite en 2022 ?

Pour paraphraser Churchill, la primaire c'est vraiment la pire des solutions à l'exception de toutes les autres ! Le mieux ce serait vraiment de faire sans, et j'espère qu'un candidat ou une candidate pourra s'imposer. C'est le meilleur scénario possible, celui qu'on a connu en 2007 avec Nicolas Sarkozy, qui permet de rassembler très vite sa famille politique. Mais si ce n'est pas le cas, il ne faut pas écarter les primaires de façon systématique. Elles sont dans nos statuts. Car le risque, c'est que le premier tour de la présidentielle se termine en primaire comme ce fut le cas en 1995.

Comment jugez-vous les deux premières années de Laurent Wauquiez à la tête de LR ?

Je pense qu'on a peut-être eu un peu de retard à l'allumage sur la réflexion. J'avais proposé au sortir des élections législatives de 2017 que nous repoussions d'un an l'élection du chef et que nous nous consacrions à la refondation de notre parti. Malheureusement, la droite est obsédée par les individus et trop souvent faute de débats d'idées nous nous retrouvons avec des querelles d'égo. Quelqu'un d'autre aurait-il fait mieux que Laurent Wauquiez ? Je pense qu'il faut être indulgent : le temps des grands parti de masse est derrière nous, les engagements sont plus éphémères, parfois thématiques. On ne retrouvera pas cette idée d'un Epinay refondateur de la droite. Celle-ci est devenue un archipel avec des vaisseaux amiraux plus ou moins importants : LR, l'UDI, Libres de Valérie Pécresse, aux confins Xavier Bertrand, Force Républicaine. Il s'agira de retisser des liens après les européennes entre les différentes composantes de cet archipel, qui sont traversés de nombreuses convergences.

>> A lire aussi : Juppé, Wauquiez, LR... Le testament politique explosif de Virginie Calmels

Le Sénat est-il devenu l'opposant numéro un à Emmanuel Macron ?

Il est vrai qu'au Sénat la droite est parvenue à maintenir son unité. Le groupe LR est puissant, tout comme son alliance avec les centristes. On montre bien que cette union existe et qu'elle peut perdurer. Avec l'affaire Benalla, le Sénat a démontré qu'il pouvait être un contre-pouvoir face au dérèglement institutionnel qui fait que l'Assemblée nationale est alignée sur l'exécutif, en raison de la coïncidence des scrutins présidentiel et législatif. Alors que la commission d'enquête montée par l'Assemblée s'est entre-déchirée, le Sénat a fait un travail méticuleux : c'est son rôle. Les critiques de la majorité glissent sur nous. Depuis le début, c'est la présidence de la République qui a fait le choix de la dramatisation, de l'hystérisation. Les propos d'Emmanuel Macron devant la Maison de l'Amérique latine, le fameux "Qu'ils viennent me chercher" sont incroyables. C'est, selon moi, une grave erreur de communication.

Macron s’est-il isolé dans son propre pays ?

Oui, il s’est isolé. Sa politique ne produit pas de résultat contrairement à ce que dit Gérald Darmanin tous les matins. On l’a annoncé comme le Mozart de l’économie, mais en réalité nous sommes 28 ème sur 28 sur la dépense publique, nous sommes passés au 25ème rang sur le chômage et nous sommes les champions du monde occidental pour les impôts et les taxes. Vous vous rendez compte ! Nous sommes le seul pays de la zone euro à voir notre déficit augmenter en 2019. Les Français ne peuvent que constater que la France d’aujourd’hui ne va pas mieux qu’hier.

Mais au-delà de ces fondamentaux, est ce que l’attractivité du pays n’est pas bien meilleure aujourd’hui ?

Les chiffres du déficit et du chômage sont têtus. Il n’y a pas eu de vraies réformes, il n’y a eu que des réformettes. Les maux dont souffre la France ne pourront pas être traités par de l’homéopathie.

Il ne fallait pas supprimer l’ISF ?

Il a pratiqué une politique qui a été vécue comme une injustice sur le plan fiscal. Il ne fallait pas notamment cumuler la suppression de l’ISF et en même temps faire payer aux retraités une augmentation de la CSG. L’essentiel des gains ne portait, d’après la Commission des Finances, que sur 2% des Français. Et enfin il a laissé filer les déficits et la dépense publique. 

La droite non plus n’a jamais vraiment réussi à diminuer la dépense publique, que proposez-vous en la matière ?

La crise des Gilets jaunes peut-être interprétée par le fait que l’économie française ne produit plus assez de richesse pour maintenir ou améliorer le niveau de vie des Français qui se dégrade par rapport à nombre de nos voisins. On arrive artificiellement à le maintenir grâce à la dépense publique. Nous subissons un double handicap : nous souffrons d’un côté d’un trop plein d’Etat, de normes et d’impôts et de l’autre nous ne travaillons pas assez, les 35 heures ayant limité notre compétitivité.

>> A lire aussi : Jean-François Copé : l'interview qui va enflammer la droite

Quelle est votre méthode ?

Il s’agit d’abord d’observer les différences notables d’avec nos voisins : nous représentons moins de 1% de la population mondiale, nous participons à moins de 4% de la production planétaire alors que nos dépenses sociales pèsent pour 14% des dépenses mondiales. Je propose dès 2025 de passer à 65 ans l’âge légal de la retraite. Une mesure qui permettrait de garantir à nos aînés le maintien du pouvoir d’achat et de passer à 1000 euros toutes les petites retraites (le minimum vieillesse est à 868 euros, Ndlr). Une mesure qui permet de limiter l’épargne de précaution et de relancer la consommation. Au bout de cinq à six ans, quand une génération pleine est concernée, vous obtenez 20 milliards d’euros d’économies.

Et sur la fonction publique, envisagez-vous comme François Fillon, la suppression de 500 000 fonctionnaires ?

Je n’aborde pas le problème sous cet angle. Je considère qu’à service public constant nous avons un problème de productivité de notre administration. Je vous rappelle qu’en Allemagne, l’Education Nationale coûte moins cher à l’Etat, que les professeurs, moins nombreux, sont nettement mieux rémunérés et que la réussite des jeunes allemands est sans commune mesure avec celle des jeunes français. Il faut arrêter de penser qu’il suffit de mettre de l’argent dans le service public pour que le service public fonctionne mieux, c’est faux ! Moins le système fonctionne, plus vous mettez d’argent et plus il dysfonctionne. D’après Natixis, la différence de productivité est de 10% entre notre fonction publique et celle de la zone euro. Je propose de signer un pacte gagnant/gagnant avec les fonctionnaires : on augmente leur temps de travail, par pallier progressif, et on leur restitue la moitié du gain dans leur traitement. C’est la seule façon de sortir d’une paupérisation croissante de la fonction publique et du gel du point d’indice. Il faut aussi venir à bout des doublons dans les collectivités locales.

Il y a un consensus sur ce sujet et pourtant personne ne le fait, à commencer par votre famille politique qui n’a jamais été au bout de cette réforme.

Cette réforme doit s’accompagner d’une forte déconcentration de l’Etat qui viserait à casser les grandes administrations régionales. Ce sont les Agences régionales de santé (ARS), les Direct (Travail), Dreal, (Environnement), Drac (Culture)…La police n’a pas de problème d’effectifs : 5% des délinquants sont responsables de 50% de la délinquance. Le problème est judiciaire. Arrêtons le réflexe systématique du quantitatif. Il faut enfin arrêter de dire que tous les services publics doivent être rendus par des fonctionnaires. Le transport scolaire est une mission de service public souvent assurés par des partenaires privés.

Finalement votre analyse est assez proche de celle d’Emmanuel Macron qui lui aussi a prévu une réforme de la fonction publique et promis 120 000 postes de fonctionnaires en moins d’ici 2022...

Nous en sommes très loin. A la fin de l’année vous en aurez 5824 en moins sur les 120 000 promis.

Le Rassemblement national peut-il arriver au pouvoir comme le dit François Hollande ?

Le risque est immense. Si on ne reconstruit pas des alternatives entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, et que le président de la République échoue, la France sera en danger. J'ai vu Emmanuel Macron tenter de valoriser Jean-Luc Mélenchon dans les dix premiers mois de son mandat, pour essayer d'en faire son sparring partner, avant de se rendre compte que ce n'était pas possible. Ce ne sera jamais possible. Il est de notre responsabilité de reconstituer cette alternative, qui ne doit pas être une opposition pavlovienne, mais une critique réfléchie assortie de propositions raisonnables. On ne se refondera pas par le langage de la démagogie mais par celui de la raison. Si l'on veut convaincre les Français, cela passe par un retour à la crédibilité.

Quel score doivent obtenir les Républicains pour que la campagne soit une réussite ?

Il faut que nous fassions plus de 15%. C'est tout à fait possible. François-Xavier Bellamy fait une excellente campagne. Je l'ai vu aux Sables d'Olonnes, la tonalité est nouvelle : il n'y a pas de calcul dans ce qu'il dit. Il y a une sincérité, une authenticité et à aucun moment une volonté de maltraiter l'adversaire. Croyez-moi, il redonne envie aux sympathisants de militer. On a voulu le présenter comme un sectaire, un réactionnaire, à la vérité il est tout l'inverse : il veut sauver l'Europe, redonner le goût de l'Europe. Il va au fond des choses. C'est un avantage face à l'accident industriel que représente la liste LREM, dirigée par une ancienne directrice de l'ENA et composée de gens qui pensent exactement le contraire les uns des autres, et le retour en arrière promis par la liste du Rassemblement national de Jordan Bardella. Au fond, la droite a la seule position qui permette d'avancer entre la dislocation de l'Europe portée par Marine Le Pen et la fuite en avant fédéraliste d'Emmanuel Macron.

Comment François-Xavier Bellamy a-t-il été accueilli par les sénateurs ?

Il a été formidablement bien accueilli par les sénateurs LR, ce qui contraste avec les premiers échos que j'avais eu dans les jours qui ont suivi sa désignation. Au départ, il y avait une crainte : beaucoup ne le connaissaient pas, et il avait été immédiatement mis dans une case, avec un étiquetage bien précis visant à la disqualifier. J'ai senti un mouvement de recul, de résistance. Deux mois plus tard, les choses ont bien changé. Il a été applaudi quand il est entré dans la salle et quand il en est ressorti. Des gens ont pris la parole pour dire : "J'ai eu une résistance et maintenant j'adhère totalement." C'est positif, ça montre que la droite n'est pas irréparablement divisée.

Quelle est, au fond, la vision européenne de LR ?

Nous voulons une Europe qui assume sa géographie sans élargissement, une Europe "européenne", comme dirait le général de Gaulle. Si les peuples sont déçus, c'est en partie la faute d'un certain idéal européen, qui porte en son sein la fin de l'Histoire, la mondialisation heureuse et la délégitimation des Etats nations. Pour nous, la démocratie vit et s'incarne dans l'Etat nation -- et c'est pourquoi l'armée européenne est une chimère. Nous voulons bien sûr renouveler le projet européen, le rendre plus protecteur avec cette idée de bouclier écologique, mais aussi par le contrôle des flux migratoires, à travers une double sécurité : à la frontière européenne et aux frontières nationales. 

Qu’avez-vous dit à Emmanuel Macron lorsqu’il vous a reçu récemment ?

Il m’a reçu pendant 1h25 et je lui ai dit qu’en tant que chef de l’Etat le préalable aujourd’hui était de rétablir la concorde civile. Un pays c’est un seul peuple. Cette « France archipel » dont parle Jérôme Fourquet me préoccupe. On a vu le retour de la vieille haine de classe. On voit les ravages du communautarisme également. Nous avons également parlé de la décentralisation.

Pour aller jusqu’où en matière de décentralisation ?

Je pense que le malaise démocratique actuel est d’abord dû à une crise de la démocratie locale. On a créé en France la société de l’éloignement : on a étiré le lien géographique et cassé le lien civique en créant des grandes communes, des grandes métropoles, des grandes régions. Or plus il y a de distance, moins il y a de confiance. Pourquoi les maires sont autant plébiscités dans les sondages ? On est passé en quelques mois de l’opération « balance ton maire » avec Darmanin, à « accroche-toi à ton maire » avec Macron. Il faut apporter plus de souplesse et de différenciation en rendant aux élus plus de liberté. Regardez la catastrophe des rythmes scolaires adaptés qu’aux grandes villes. Ce sont aux préfets et présidents de département de décider localement du passage aux 80 km/h Ils connaissent leur terrain mieux que Paris. Je suis également favorable au conseiller territorial qui fusionne département et région.

Vous proposez un référendum sur les quotas d'immigration. Quelle en est l'idée ?

Au-delà des inquiétudes économiques des Français, j'ai identifié deux questions d'ordre existentiel : la question de la laïcité, à laquelle une vaste majorité des Français est très attachée et s'oppose avec raison à toute modification de la loi de 1905, et la question migratoire, qui a toujours été traitée à l'écart du peuple. J'estime qu'une démocratie mature doit être capable de traiter cette question de manière sereine et je pense qu'il faut donner au Parlement, à la représentation nationale, la capacité de fixer annuellement des quotas d'immigration. Cette décision pourrait être formalisée par référendum, ce qui permettrait de redonner la parole aux Français, qui ont pour beaucoup le sentiment qu'on ne les écoute plus, qu'une petite élite prend les décisions à leur place. Pourquoi l'immigration ? Parce que sur ce sujet précis, au-delà de la perte de contrôle totale de l'Etat, il y a eu une injonction faite aux Français de sacrifier leur propre identité pour mieux accueillir l'autre, pour qu'il se sente chez lui. Cette obligation-là est très anxiogène, d'autant que certains refusent de s'assimiler !

Ne serait-ce pas du pain béni pour le Rassemblement national ? On se souvient du débat sur l'identité nationale initié par Sarkozy...

Au contraire, je pense que ce qui renforce le Rassemblement national, c'est ce sentiment donné aux Français qu'on ne veut pas les laisser traiter cette question par eux-mêmes. Dès lors qu'on leur donnera la possibilité de trancher, cela privera le RN de beaucoup d'arguments.

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